Au XIIe et XIIIe siècles, Seltz est le centre d'intrigues entre les margraves de Bade et l'évêque de Strasbourg Tantôt indépendante, tantôt dominée par les margraves, elle devient à nouveau ville franche en 1283 grâce à Rodolphe de Habsbourg, devenu roi des Romains.
Certains membres de la noblesse de cette époque se font enterrer dans 1’église Saint Etienne et 1’on peut admirer aujourd’hui les belles pierres tombales sculptées qui ont été déposées sous une galerie située à proximité du campanile.
C'est en 1307, lors d’une crue millénaire du Rhin, que les bâtiments de l'Abbaye dédies à Saint Pierre et Saint Paul sont enlevés par les flots Certains moines cherchent refuge dans leur filiale, le monastère de moniales de Mirmelberg situé entre Seltz et le Rhin et fondé en 1197, d'autres moines se rendent dans la ville même de Seltz. Que sont devenus les reliques et le tombeau de Sainte Adélaïde ? Les moines réussirent sans doute à les sauver et ils instaurèrent une fête de leur translation dans la nouvelle abbaye mise en chantier peu après. En 1356, un autel Sainte Adélaïde est mentionné.
Tout au long des deux siècles suivants (XIVe - XVe siècles), les rapports entre l'abbaye, le margrave de Bade, la ville de Seltz sont conflictuels. On peut noter cependant qu'en 1358, l'Empereur Charles IV accepte que Seltz devienne ville libre et puisse entrer dans l'alliance des "dix villes libres d'Alsace", la fameuse décapole, mais elle perd cette indépendance en 1409. Le Rhin emporte la filiale de Mirmelberg en 1469 et l'existence des reliques de Sainte Adélaïde est mentionnée pour la dernière fois en 1474. On a cependant longtemps conservé à Seltz un gobelet réputé avoir appartenu à la Sainte; il était utilisé pour donner des potions aux personnes atteintes de fièvre et les guérisons auraient été nombreuses.
L'abbaye est finalement sécularisée en 1481; les moines, devenus chanoines, s'installent dans l'église Saint-Etienne.
Aux XVIe et XVIIe siècles, l'histoire de Seltz est liée à celle de la Réforme. Une académie remplace le chapitre.
Au cours de la guerre de Trente-Ans, la ville est occupée par les Suédois, puis brièvement transmise au roi de France, Louis XIII, avant d'être reprise par l'électeur palatin. La ville devient officiellement française en 1681 et Louis XIV fait reconstruire la cité. La collégiale est rendue au culte catholique en 1684; un clocher à bulbe est ajouté.
En 1748, un magnifique retable baroque est enchâssé dans le chœur gothique du XVe siècle.
Les conversions du protestantisme au catholicisme ne se font pas facilement: une trentaine d'hommes refusant d'abjurer sont poussés dans les eaux glacées de la Seltzbach par les par les dragons du roi ! Il y a des morts; quant aux survivants, ils se convertissent... librement.
L'église baroque est à nouveau transformée en 1898-1900 alors que l'Alsace est annexée à l'Allemagne suite à la guerre de 1870. La nef, agrandie, est reconstruite en style gothique tandis qu'un clocher de 62 mètres de hauteur remplace le clocher à bulbe à l'occasion du neuvième centenaire de la mort de Sainte Adélaïde en 1899. L'Empereur Guillaume offre alors personnellement une cloche de 2,5 tonnes tandis qu'une statue de l'Impératrice Adélaïde est placée devant l’église.
Redevenue française après la victoire de 1918, l'Alsace verra à nouveau la guerre en 1939. Le 28 mai 1940, le clocher de l'église de Seltz devient la cible de l'artillerie allemande. Il s'effondre, entraînant dans sa chute les quatre cloches et un très bel orgue, tandis qu'une partie de la nef est livrée aux flammes. Seule la cloche de 2,5 tonnes résiste, elle sera remise en place lors de la reconstruction, dans un nouveau campanile, alors que les autres cloches sont refondues à Colmar.
Au cours de l'été 1945, le bilan des destructions dans la commune de Seltz est établi La reconstruction de l'église Saint-Étienne est prévue. Pour comprendre le parti résolument moderne qui s'imposa immédiatement à mon esprit, il est nécessaire d'évoquer le contexte historique dont tous les contemporains étaient imprégnés au lendemain de la guerre.
Le poids du passé, les craintes suscitées par la Guerre froide étaient autant de facteurs stimulant la volonté de trouver des réponses. Reconstruire puis construire était 1’une des formes d'espérance de cette génération.
La vie qui anime aujourd'hui l'église de Seltz montre que cet espoir n'a pas été illusoire. Saint-Etienne dont la reconstruction s'est achevée en 1958, est aujourd'hui une église vivante. Les murs ont fini par se patiner de prière. Je me souviens de la dernière messe, priante et émouvante, qui avait été célébrée dans une chapelle provisoire, à proximité de l'ancien pont. L'assemblée s'était ensuite rendue vers la nouvelle église, portant en tête de procession un grand Christ en bois qui est placé aujourd'hui au-dessus de l'arc triomphal du chœur. Dans la nouvelle église, tout était net, propre, mais quelque chose manquait. Il fallait investir ce nouvel espace; ces quarante années ont vu ce mouvement s'amplifier: aujourd'hui, le visiteur ne peut manquer d'être saisi par la quiétude et l'atmosphère priante qui emplit l'église Saint-Etienne.
A la veille de l'entrée dans le troisième millénaire, dans cette commune située au cœur de l'Europe, cette paix n'est-elle pas comme un écho à ce qui fut le fondement de la vie de l'Impératrice Adélaïde à l'orée du deuxième millénaire ?