SAINTE ADELAIDE

IMPÉRATRICE

 Pour découvrir la riche personnalité d’Adélaïde, il convient tout d’abord de la replacer dans son temps que les historiens ont qualifié d’âge de fer. Au 10ème siècle le niveau moral était bien bas, et c’est à coup d’épée  que les barons petits et grands se taillaient chacun un empire. Les successions familiales se réglaient souvent dans le sang. L’église n’était pas un parangon de vertu : le trafic des charges ecclésiastiques et le concubinage jetaient le discrédit sur le clergé. Beaucoup de prélats étaient des hommes incultes, indignes, grossiers. A Rome, les successeurs de l’apôtre Pierre étaient le jouet de factions rivales : de 928 à 998, pas moins de dix-huit papes se sont succédé, dont bien peu sont morts d’une mort naturelle. Aux désordres intérieurs s’ajoutaient les désordres venus du dehors. A peine en avait-on fini avec les Vikings qui remontaient les fleuves en pillant villes et monastères, voilà qu’apparaissaient dans les marches de l’Est les redoutables cavaliers hongrois. Leurs hordes déferlaient périodiquement sur l’Europe, ravageant tout sur leur passage. Leurs raids les conduisaient jusqu’à Paris et Rome ! Louis l’Enfant , le dernier Carolingien de la branche germanique, se révélait incapable de les arrêter. C’est à cette époque d’une dureté extrême que se situe la vie d’Adélaïde. Mais tout n’y est pas noir ; ce 10e siècle contient les germes d’un renouveau et a produit des personnalités exceptionnelles.

 ADÉLAÏDE - IMPÉRATRICE

 C’est une longue histoire qui a conduit Otton sur le trône impérial, élevant du même coup son épouse Adélaïde à la dignité d’impératrice. Rappelons-nous que l’impuissance de Louis l’Enfant face aux hongrois conduisit à un changement de dynastie : les Grands firent confiance désormais aux Saxon Henri l’Oiseleur. Celui-ci acheta à  Roldophe II, roi de Bourgogne et père d’Adélaïde, la Sainte Lance dont la pointe contenait une relique précieuse qui donnait à celui qui la possédait la force de vaincre les adversaires du christianisme ; c’est du moins ce que l’on croyait. Il s’agissait en l’occurrence d’un clou de la Sainte Croix. En 933, cette lance porta chance à son nouveau propriétaire qui repoussa les Hongrois sur les bords de la rivière Unstrut.

 En l’an de grâce 936 Otton succéda à son père, et c’est revêtu d’habits ecclésiastiques qu’il se fit couronner roi de Germanie à Aix-la-Chapelle. Le lieu et la manière annonçaient tout un programme. Mais les choses allaient d’abord mal : Otton eut maille à partir avec ses frères Thankmar et Henri qui contestaient l’héritage. Un malheur n’arrivant jamais seul, il perdit son épouse. Son fils d’un premier lit, le duc de Souabe Liudolf, ne voyant pas d’un bon œil le remariage de son père avec Adélaïde, s ‘allia à son beau-frère Conrad le Roux, duc de Lorraine, qui avait lui aussi quelques raisons d’être mécontent. Otton était en mauvaise posture. Heureusement pour lui, les insurgés entrèrent en discrédit en s ‘alliant aux Hongrois et le roi eut la main heureuse en nommant chancelier son frère cadet Brunon qui faisait une carrière ecclésiastique et n’avait par conséquent pas d’héritier.

 Afin de soumettre l’Italie à son autorité, le roi traversa les Alpes pour guerroyer contre Béranger II, marquis d’Ivrée. On  soupçonne ce dernier d’avoir empoisonné Lothaire d’Italie, époux d’Adélaïde, pour devenir roi à la place du roi. Béranger caressait l’idée de marier la jeune veuve à son fils Adalbert, mais celle-ci refusa. Pour l’amener à de meilleurs sentiments, il là séquestra dans son château du lac de Garde (à Côme d’après certains auteurs). Elle fut mise au pain et à l’eau. Courageuse, Adélaïde ne céda pas. Elle réussit à échapper des mains de ses gardiens grâce à la complicité du chapelain et trouva refuge après une course poursuite mouvementée en Emilie-Romagne, d’où elle appela Otton à l’aide. Celui-ci arriva donc par le Brenner à la tête d’une armée, détrôna l’usurpateur, et épousa Adélaïde en secondes noces. Nous sommes en 951 : la jeune et belle Adélaïde a 20 ans, Otton en a 39 et se trouve en pleine ascension.

 En 955, il frappe un grand coup. Précédé de l’étendard de l’Archange St Michel et muni de la Sainte Lance, il affronte les Hongrois à la tête de 10 000 chevaliers près d’Augsburg sur le Lech. Le 10 août, journée mémorable, il leur inflige une telle raclée qu’ils ne demandent pas leur reste et décampent pour ne jamais plus revenir. Cette victoire valut à Otton Ier un immense prestige dans toute l’Europe et le surnom flatteur de Grand. En 962, après maintes péripéties, il sera couronné empereur du Saint Empire romain germanique par le Pape Jean XII. Mais Otton le Grand meurt en 973 et Adélaïde entame son deuxième veuvage. Le fils Otton II monte sur le trône. On l’avait marié à Théophano, princesse grecque née à Constantinople, dans le but de se rapprocher de Byzance.

 L’avènement des Saxons mettait fin, on l’avait vu, à des années d’incurie due à la faiblesse des responsables de la couronne. En même temps se dessina un renouveau dans l’église. En réaction à la concupiscence ambiante, un grand courant mystique se répandit à travers l’Europe et des hommes d’église remarquables s’appliquèrent à corriger les mœurs de leur temps. Ils inspiraient à leurs contemporains une peur salutaire de l’enfer et les exhortaient à racheter leurs fautes en faisant le bien. Les moines ont joué un rôle éminent dans ce mouvement. Cluny, l’abbaye bourguignonne fondée en 910 par les bénédictins acquit une grande renommée et Odilon, cinquième abbé de Cluny, fut l’un des hommes les plus influents de l’Europe chrétienne. Il y eut aussi des femmes brillantes, Adélaïde est de celles-là. Gagnée à la cause de l’Eglise, elle soutenait activement la réforme  clunisienne. L’an 1000 n’inspirait donc pas seulement la peur comme on l’a parfois écrit, mais faisait aussi naître un immense espoir.

 UNE VIE BIEN REMPLIE

 La vie d’Adélaïde n’est pas un long fleuve tranquille. Dès ses six ans elle fut orpheline de père. Mariée à 16 ans, veuve à 19, captive de Béranger, remariée en 951 et veuve une nouvelle fois en 973, les épreuves ne lui furent pas épargnées. Elle perdit deux fils en bas âge, Henri et Brunon. En 988 elle eut la douleur d’apprendre la mort de sa fille aînée Emma et en 993 celle de son frère Conrad de Bourgogne. En 999 enfin sa fille Mathilde, abbesse de Quedlinburg, fut emportée par la fièvre.

Adélaïde s’évertua à aplanir les querelles familiales et démêler des affaires dynastiques compliquées. En 977 Emma, l’avait appelée en Bourgogne pour raisonner son fils. Elle était veuve du roi de France Lothaire IV et son entourage nouait des intrigues.

 Son propre fils Louis V lui reprochait une liaison amoureuse réelle ou imaginaire. Il craignait probablement pour son héritage. La querelle fut vidée brutalement par sa mort lors d’un accident de chasse. Il était le dernier Carolingien de la branche française et entra dans l’histoire sous le nom peu enviable de Fainéant. Il n’y avait pas de successeur direct et Adélaïde accepta l’élection de Hugues Capet, le premier d’une dynastie qui régnera sur la France de 988 à 1328. Le caractère trempé par tant d’épreuves et riche d’une expérience acquise auprès de son impérial époux, Adélaïde avait l’étoffe pour conseiller utilement son fils. Elle-même prenait conseil auprès du moine Gerbert d’Aurillac, homme avisé et futur Pape Sylvestre II. L’impératrice était une femme intelligente et cultivée, ayant beaucoup voyagé et parlant plusieurs langues. Elle avait de l’autorité et sut calmer les ambitions de son neveu Henri de Bavière, dont le surnom de Querelleur n’était nullement usurpé. Otton II mourut de la malaria à l’âge de 28 ans, au retour d’une expédition contre les Sarrasins dans le sud de l’Italie. Otton III lui succéda ; il avait trois ans. La régence pendant sa minorité fut difficile, parce que l’harmonie ne régnait pas entre Theophano et Adélaïde. La grand-mère épuisa des trésors de patience mais ne pu empêcher la rupture et du s’éloigner en Italie. A partir de 991 elle sera seule à mener les affaires. L’impératrice Adélaïde a sans conteste joué un grand rôle historique.

 Il faut toutefois mettre une sourdine aux louanges de l’œuvre ottonienne. Accepter sans coup férir l’avènement de Hugues Capet, c’était renoncer définitivement au rétablissement de l’empire. Par ailleurs, en décrétant que les évêques et abbés seraient exclusivement nommés par l’empereur et que les papes ne pouvaient exercer leur fonction sans son autorisation, on mettait l’Eglise sous tutelle. Dans son évangéliaire, l’empereur Otton III est représenté les bras en croix avec la mandorle, et ce n’est pas le pape qui le couronne, mais Dieu lui-même. Cette conception du rôle de l’empereur est significative et sera lourde de conséquences, mais ainsi va l’histoire...

Il se peut que l’impératrice Adélaïde ait eu des pressentiments et qu ‘elle ait était consciente de la vanité des choses de ce monde.  

 ADÉLAÏDE ET L’ABBAYE DE SELTZ

 A l’approche de la soixantaine, de plus en plus tournée vers la prière et les bonnes œuvres, l’impératrice décida de fonder une abbaye clunisienne. Le lieu de Sermersheim d’abord envisagé fut abandonné au profit de Seltz, carrefour et passage sur le Rhin. Les travaux furent confiés au comte Manegold, un parent, mais lorsque celui-ci mourut en 991, Adélaïde prit les choses en mains personnellement. Une communauté monacale ne vit pas seulement d’amour de Dieu et d’eau fraîche, il lui faut des revenus pour assurer la construction et l’entretien des bâtiments, l’achat de manuscrits et d’objets liturgiques, les œuvres de bienfaisance...

C’est avec un désintéressement admirable que la veuve mis à la disposition de la communauté son patrimoine qui provenait d’un acte de constitution de douaire établi en 968. Et c’est avec une résolution et opiniâtreté qu ‘elle s’emploiera par la suite à augmenter ce domaine. De 991 à 994 son petit fils Otton le troisième du nom, léguait à l’abbaye des biens importants et lui octroyait l’immunité comprenant l’exemption d’impôts, le droit de tenir marché, de prélever des péages et de battre monnaie. Bientôt l’abbaye était dotée d’un beau domaine lui assurant l’indépendance matérielle. Par une bulle datée de 995, le pape Jean XV confirma les privilèges et c’est en grande pompe que l ‘abbaye put être consacrée le 18 novembre 996, en présence de nombreux prélats et d’Otton III en personne qui venait d’être sacré empereur. Adélaïde s’éteignit 3 ans plus tard dans la nuit du 16 au 17 décembre 999, en odeur de sainteté. Peu de temps avant son décès elle avait encore entrepris un voyage dans sa Bourgogne natale pour tenter de réconcilié son neveu Rodolphe III avec ses vassaux. Conformément à son vœu, elle fut inhumée à Seltz, pour ainsi dire à mi-chemin des lieux où elle avait vécu : Arles, Pavie, Ravenne... et les résidences impériales du nord. Née en Bourgogne, première dame de l’empire, celle qu’on appelait parfois l’Italienne, était en parenté avec la Maison de France. Elle avait parcouru l’empire du nord au sud, mais c’est la terre d’Alsace qu ‘elle choisie comme lieu de sépulture.

Adélaïde sera canonisée en 1097 par Urbain II ancien grand prieur de Cluny. Les écrits sur Sainte Adélaïde sont nombreux et parfois dithyrambiques. Il faut bien le dire, l’hagiographie veut inciter les fidèles à l’imitation des saints et ses auteurs ont tendances à embellir quelque peu la réalité. Dans sa « Vie de la sainte impératrice Adélaïde » Odilon ne tarie pas d’éloges. Il pare l’impératrice de toutes les vertus : courage, humilité, patience, bonté... Il faut dire que les moines de Cluny devaient beaucoup à la généreuse donatrice. De plus ils voulaient prendre pied sur les terres d’empire et l’abbaye de Seltz leur en offraient l’occasion. Ils ont donc décerné à Adélaïde un satisfecit sans réserve : « elle a montré beaucoup de qualités dans la justice de sa charge et dans la charité aux pauvres ». Malgré les réserves, les récits hagiographiques méritent notre attention, car les pères jésuites bollandistes ont fait des recherches historiques sérieuses. En conclusion on peut dire qu’Adélaïde est une grande figure du Moyen-âge.

 LES TROIS DERNIERS VOYAGES D’ADELAIDE

 Trois ou quatre voyages ont marqué les trois dernières années de retraite de la pieuse bienfaitrice impériale.

 En 997, un an après la consécration abbatiale, Otton III chargea Mathilde, la fille d’Adélaïde et abbesse de Quedlinburg, de gérer les affaires publiques en son absence. Puis il partit pour l’Italie. Crescence, tyran de Rome, avait chassé de son siège le nouveau pape Grégoire V en 997 et l’avait remplacé en mai par un antipape, Jean de Plaisance. Après avoir été à Pavie, Otton parvint à Rome en février 998 et fit condamner à mort le tyran. Trois hypothèses sont possibles :

bullet

-         Ou bien Adélaïde accompagna Otton à Rome

bullet

-         Ou bien elle séjourna à Pavie à cause des troubles fomentés contre les évêques par Ardouin d’Ivrée

bullet

-         Ou plutôt elle resta à Seltz pour la plus grande joie des habitants et des pauvres.

Mais en 999, la dernière année de sa vie, elle quitta Seltz trois fois.

 LE PREMIER VOYAGE DE 999

 Le 7 février 999, Mathilde, la gérante  d’Otton, absent, revint d’une diète tenue à Magdebourg. La fièvre l’emporta. Adélaïde, déjà partie de Seltz pour des visites en Franconie, se rendit à Quedlinburg pour l’enterrement de sa fille dans la basilique, près des tombes de son grand-père Henri l’Oiseleur et de sa grand-mère Mathilde. Elle retourna ensuite à Seltz.

 DEUXIEME VOYAGE DE 999

 En avril, elle fit un court voyage à l’abbaye d’Irmgard à Erstein et y signa un diplôme le 13 avril pour doter Saint-Sauveur de Pavie. Elle revint à Seltz, dont les habitants devaient se demander si cette fois elle allait rester.

 TROISIEME ET DERNIER VOYAGE DE 999

 Ce voyage avait trois buts :

bullet

rétablir la paix entre les vassaux et le roi Rodolphe II

bullet

visiter une dernière fois des lieux chers à l’impératrice

bullet

distribuer des dons aux monastères, aux églises, aux évêques...

 VISITE DES LIEUX PREFERES

  Payerne était l’abbaye fondée par sa mère Berthe de Souabe en 961. Après la mort d ‘Adélaïde, les moines racontaient aux pèlerins le miracle de la multiplication des aumônes : à Payerne, Adélaïde, « fatigata ex itinere » c’est-à-dire fatiguée par le voyage, chargea un moine de la distribution. Le trop grand nombre de pauvres faisait craindre de devoir renvoyer beaucoup d’entre eux sans rien leur donner. O merveille, l’argent ne manqua pas ; tous les pauvres furent servis !

-         Agaune où se trouvent les tombes de saint Maurice et de ses compagnons. Elle y appris le décès, le 28 septembre 999, de Franco, évêque de Worms. Emue, elle eut le pressentiment de la mort prochaine d’Otton III avec ses soldats. Elle craignait une troisième régence si elle survivait. Otton survécut, mais mourut en 1002, âgé de 22 ans.

bullet

Genève où elle se rendit sur la tombe du martyr Saint Victor

bullet

Lausanne : visite du sanctuaire de la Vierge Marie

-         Orbe, son lieu de naissance. Elle y rétablit la paix entre Rodolphe III le Paresseux et les vassaux. On peut supposer que, d’Orbe, Adélaïde se soit rendue à Fleury ou Saint-Benoît-sur-Loire, Souvigny et Cluny, « sibi familiare cenobium », abbaye bien connue d’elle. Au lieu d’avoir rencontré Odilon à Cluny, la rencontre a dû avoir lieu à Orbe. Là, elle fit savoir à l’abbé – encore un pressentiment – que cette rencontre était la dernière ; la voyageuse sexagénaire devait bientôt rendre sa belle âme à Dieu.

A côté des dons et des aumônes fait sur place, la pieuse bienfaitrice envoya des dons

bullet

pour l’entretien de l’église Saint-Sauveur de Pavie,

bullet

pour les monastères de Saint-Benoît-sur-Loire, Souvigny et Cluny,

bullet

pour Saint-Martin de Tours, ravagé par un incendie. Elle y envoya « Otomis clamidis partem », une partie du manteau d’Otton II, pour l’autel Saint-Martin, en souvenir de la générosité de Martin encore catéchumène.

Ces trois buts réalisés, la presque septuagénaire quitta Orbe, son lieu de naissance, pour Seltz, son lieu de sépulture.

 DERNIÈRE DIZAINE DE JOURS A SELTZ

 Combien de temps les moines et habitants attendirent-ils le retour de leur bienfaitrice ? Un petit calcul tout théorique que pourrait fournir une réponse : le retour le plus probable serait celui depuis Orbe sans le détour par Cluny. Si chaque visite n’avait duré qu’un jour, Seltz aurait revu la fondatrice dès la mi-septembre. Avec une moyenne d’un arrêt hebdomadaire à chaque lieu visité, Adélaïde serait revenue à la mi-octobre. Dans ce cas, Seltz-abbaye et Seltz-ville auraient joui de sa présence pendant plus de deux mois. Si elle avait fait le détour sans s ‘arrêter trop longtemps à Fleury et à Souvigny, mais un peu plus chez Odilon à Cluny, elle aurait eu à peine trois semaines de retraite dans sa ville et son monastère. En tous cas, selon les textes, elle se trouvait à Seltz le 7 décembre 999.

 MALADIE ET MORT SAINTE D’ADELAÏDE AGEE DE 68 ANS

 En ce 7 décembre, les moines, et avec eux sans doute tout le peuple, offraient comme chaque année le saint sacrifice pour feu Otton II, fils d’Adélaïde. Avant la cérémonie, la foule des pauvres arrivait de tous côtés, comme de coutume à chaque fête. Odilon écrit que la foule affluait « ad eam », vers elle, « ex adiacentibus locis », des lieux « adjacents », sans doute Seltz, Plittersdorf, Frankenheim, Beinheim. Il ne précise pas où : « à la porte de la demeure impériale », devant sa maison à Seltz. Elle aurait donc eu à se rendre à la basilique de l’abbaye, chemin fatiguant pour elle à son âge. Devant sa porte, ou plutôt devant la porte de la basilique, elle distribua des aumônes, elle-même, « manu propria », tellement elle appréciait la présence des pauvres, celle du Christ à travers leurs personnes. Oubliant sa fatigue et son mauvais état de santé, elle s’efforça de donner à qui de l’argent, à qui de quoi se vêtir et aux moins nécessiteux quand même.

Elle participa ensuite à la messe célébrée avec magnificence, peut-être par Willigis, archevêque de Mayence, présent en ce jour, ou par l’abbé Eccemannus, Ezzemann, qui avait droit au port de la dalmatique et des sandales comme un évêque.

Mais la nuit une fièvre de plus en plus aiguë saisit la grande fondatrice et bienfaitrice ; peu à peu les personnes présentes commencèrent à craindre le pire. Malgré tout, Adélaïde persévéra dans la prière toute la semaine. Elle profita d’un moment de répit pour permettre à son âme de s’envoler dans la plus pure des lumières, la lumière infinie du Ciel.

Ainsi, après divers bienfaits, l’édification d’abbayes, les distributions d’aumônes, elle ajouta celui de l’exemple d’une vie sainte, d’une fin de vie exemplaire pour les personnes présentent et la population seltzoise dans le monastère de sa sainte mort.

Le mutisme des textes n’empêche pas de supposer que l’enterrement se déroula avec la plus grande solennité dans sa basilique. Toutefois son petit-fils, l ‘empereur Otton III, n’assista pas aux funérailles. Les dates sont celles du calendrier ancien : Adélaïde est décédée dans la nuit du 16 au 17 décembre 999, une semaine avant Noël et les funérailles se déroulèrent avant cette fête. Seltz a du connaître un Noël empreint de tristesse. Mais la mort d’Adélaïde devait être le point de départ de nouveaux bienfaits pour les croyants : plusieurs auteurs parlent de nombreux miracles survenus près de son tombeau.

Une question prête à controverse : comment caractérisé notre abbaye ? Etait-ce une abbaye impériale soumise au bon vouloir des empereurs successifs, dotée de privilèges à renouveler à chaque succession ? Une abbaye autonome, indépendante de l’empire et du diocèse ? Une des abbayes de Cluny selon les déductions faites d’après les rapports d’Adélaïde avec Maïeul et Odilon ? Une abbaye pour le « requiem », le repos des âmes ottoniennes ? Selon J. Wollach, c’est l’abbaye-tombeau de sa fondatrice, un « Grabkloster » !

Ce dernier caractère semble avoir dominé pendant environ un siècle, depuis les funérailles jusqu’à la canonisation. Seltz-abbaye devint alors un lieu de pèlerinage et les moines racontaient aux pèlerins les miracles qui furent bientôt rédigés en vue de la canonisation de sa fondatrice.