Pour un monde nouveau
Tous les jours, depuis un jeudi soir jamais oublié, des hommes et des femmes se rassemblent à deux, à trois, à mille pour refaire un geste sobre: Partager un peu de pain, en prononçant quelques paroles.
Ce geste est pour beaucoup le souvenir le plus précieux qui existe sur la terre:Celui du dernier acte de Jésus. Mais il n'est pas qu'un souvenir: il annonce ce que seras le monde, quand Jésus reviendra: un Banquet de multitude, la table ouverte de Dieu, le partage entre tous.
Du passé à l'avenir, ce pain rompu est la nourriture des voyageurs, le viatique du peuple en marche. C'est le pain de la Pâque, de l'incessant passage vers Dieu, il accompagne l'humanité nouvelle, celle dont Jésus est la nourriture. Il rassasie et il affame, car il donne la faim de ce monde dont il est déjà le pain rompu.
Jeudi Saint
Tu nous appelles, Dieu notre Père,
à célébrer ce soir la très sainte Cène,
Ou ton Fils unique,
avant de se livrer lui-même à la mort,
a voulu remettre à son Eglise
le sacrifice nouveau
De l'Alliance éternelle.
L'Institution de l'Eucharistie
Puis prenant le pain, il rendit grâce, le rompit et leur donna en disant:
"Ceci est mon corps, donné pour vous, faites cela en mémoire de moi".
Il fit de même pour la coupe après le repas disant:
"Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, versé pour vous".
(Luc 22, 19-20).
"Je suis le pain vivant descendu du ciel ; qui mangeras de ce pain vivra à jamais, et le pain que je donnerais c'est ma chair pour la vie du monde à venir. "
"En vérité, en vérité je vous le dis, si vous ne mangez ma chair et ne buvez mort sang, vous n'aurez pas la vie en vous ; qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterais au dernier jour car ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson, qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. " (Jean 6, 51-56).
Le pain
"Il prit le pain..."
Le pain c'est l'aliment de base de l'alimentation. Pain d'orge ou de seigle, pain de blé ou de froment, pain bis que l'on cuisait jadis quatre fois par an dans le four communal, pain blanc moelleux fabriqué par les boulangers du vingtième siècle, qu'il soit miche ou ficelle, le pain n'est pas un plat de fête. En Occident, il représente ce qui est indispensable pour subsister. Nourriture banale quotidienne, sans grande saveur mais dont on ne se lasse pas: "Le pain est le fruit de la terre et du travail des hommes!"
Le pain n'est pas le produit de la seule nature. Il faut que l'homme s'en mêle. Pas uniquement pour ensemencer les champs et moissonner l'épi, il faut ensuite le battre, moudre le grain, pétrir la farine, cuire la pâte. On utilisait la force des bras, jadis, et le souffle du vent, la poussée de l'eau, la chaleur du bois. Toute cette énergie vient aujourd'hui de l'électricité qui, glissant de pylône, arrive des centrales, elles-mêmes alimentées par le charbon, le pétrole, l'eau ou l'atome.
Plus que jamais donc, le pain symbolise avec la fécondité de la terre le travail des hommes. Le travail quotidien, monotone, "pesant". Celui du cultivateur et celui du mineur, du fabricant d'engrais et du bûcheron, de l'ingénieur et du comptable et sans oublier l'ouvrier du tracteur et de la moissonneuse, du moulin et du pétrin, et surtout le boulanger qui sait le temps et la manière de mélanger le sel et le levain et de sortir du four un pain doré à point.
Le pain, c'est une multitude de grains passés au feu. Dans le pain, d'innombrables grains sont mêlés. Le Pain nous parle de rassemblement, d'unité, de communion. Mais avant de devenir la miche qu'on pose sur la table, les grains ont étés broyés, écrasés, triturés, passés au four.
Prenant le pain, il rendit grâce, le rompit et le leur donna en disant: "Ceci est mon corps..." (Luc 22, 19). Le corps battu, broyé, moulu, écrasé, trituré, pétrit, comme un grain de blé.
Le vin
"De même après le repas il prit la coupe de vin..."
Le vin réjouit le cœur de l'homme. (Ps 104, 14)
"Il n'y a pas de joie sans vin " (Talmud).
Le vin miracle de la nature...
Le miracle par lequel notre Seigneur Jésus Christ a changé l'eau en vin n'étonne pas ceux qui savent que Dieu en est l'auteur. C'est bien le même, en effet, qui aux noces de Cana produit du vin dans ces six amphores et qui tous les ans renouvelle cette transformation dans les vignes. Ce que les serviteurs ont versé dans les amphores a été changé en vin par l'action du Seigneur. De même la pluie qui tombe des nuages est changée en vin par la même action du Seigneur. Cependant, nous ne l'admirons pas parce que cela recommence tous les ans. L'habitude a fait disparaître l'émerveillement.
Le vin comme le sang de la vigne...
Travail du ferment dans le fruit mûr, travail du pressoir qui fait sortir le jus de la grappe: le vin est fruit d'une douloureuse contrainte.
Une multitude de grappes mêlées...
Le vin: forme de nombreuses grappes ne fait plus qu'un. Il est dans la coupe savoureuse, mais après que le vigneron l'a fait passer au pressoir.
Vous aussi, après votre conversion au nom du Christ, vous formez la coupe du Seigneur, vous êtes la sur l'autel, le vin. c'est vous. (Saint Augustin).
Le vin tendresse...
Vin de couleur de jour, vin couleur de nuit. Le vin fait venir le printemps. Le vin pousse comme une plante de la joie, vin de vie tu es encore amitié entre les êtres, transparence, abondance de fleurs.
Le vin liberté...
L'individu mis en gaieté par le vin libère la parole. Il oublie les contraintes sociales. Il dit ce qu'il n'a peut-être jamais osé dire. Il ne connaît plus la peur.
Ceci est la coupe de mon sang...
Ce sang qui circule dans le corps qui alimente, qui permet les mouvements, la perception des sens, le travail des organes vitaux ou secondaires, ce sang duquel on ne peut se vider sans mourir est un sang jeune, riche en globules rouges, nécessaire à la vitalité de chaque individu. Le sang représente aussi l'injustice, l'indifférence, la dureté humaine qui sont partout présentes. Elles pressurent, mutilent, empoisonnent la vie.
Le sang: symbole de toute détresse. Ce sang est présent avant toute naissance, la mère le donne à l'enfant dès la conception.
Fruit du travail
Le travail est souvent un lieu de rencontre et de l'entraide où se tissent les liens humains de qualité. Il est aussi le lieu d'affrontement où se déchaînent les oppositions, les jalousies, les conflits les plus durs, les plus tenaces, les plus redoutables... au moment où le prêtre célébrant l'Eucharistie prend sur l'autel le pain et le vin pour les offrir à Dieu, II prononce les paroles "Tu es béni Dieu de l'univers, toi qui nous donne ce pain (vin) fruit de la terre (vigne) et du TRAVAIL DES HOMMES.
Ainsi tous les fruits du travail humain sont-ils symboliquement offert à Dieu, en action de grâce pour tout ce qu'il nous donne, pour que le Christ, par l'Esprit s'en saisisse et s'identifie, les offrant, s'offrant lui-même, et nous offrant dans un même acte au Père. Nous offrons ainsi a Dieu le travail de l'artisan, de l'ingénieur et du cultivateur, de l'ouvrier à la chaîne et du syndicaliste, de l'écrivain et de l'enseignant, de l'informaticien et du peintre, du médecin et du pharmacien, du père de famille et la femme "en travail" qui met au monde, tous ces travaux" ou la créativité s'exerce à un haut niveau.
En Mémoire
"Faites ceci en mémoire, de moi"
A l'Eucharistie, en prononçant les paroles du Christ, le prêtre s'identifie alors au Christ, lui-même dont il refait les gestes. Il prononce lentement sur le pain d'abord, puis sur le vin, les paroles que Jésus prononça le soir du Jeudi Saint. Et le mystère s'accomplit, la cène se reproduit. Par le changement du pain en son corps et du vin en son sang, le Christ renouvelle sacramentellement, d'une manière non-sanglante, le sacrifice de sa mort sur la croix.
Cette hostie, cette coupe de vin, que nous voyons deviens le corps et le sang du Christ. Il est grand ce sacrement parce que par lui nous proclamons la mort de Jésus, nous célébrons sa résurrection et nous attendons qu'il revienne dans la gloire, et par lui, avec lui nous offrons à Dieu le Père tout puissant, honneur et gloire à jamais.
Avant la Communion le Prêtre rompt le pain consacré comme le Seigneur le fit à la Cène. Nous recevons ce pain et ce vin afin de participer pleinement au mystère du Christ.